Le loup-garou de Québec

Les Fortifications de Québec ont été témoins de tant de moments marquants du Québec et du Canada, mais cette histoire est... unique. En 1766, la Gazette de Québec rapporte qu'un loup-garou rôdait dans la campagne à l'extérieur des murs de pierre de la ville...

Transcription de l'épisode:

Voici les murs de la ville de Québec. Ces fortifications ont été érigées il y a plus de 300 ans. Au fil des siècles, elles ont été renforcées, élargies et reconstruites pour protéger la population qui vivait à l’intérieur des murs. Elles ont été munies de canons et surveillées par des gardes armés. Elles ont résisté à des attaques et repoussé des armées. 

Mais ces envahisseurs n’étaient pas la seule menace qui hantait les nuits de la population de Québec. Il y avait d’autres dangers qui se cachaient dans la noirceur à l’extérieur des murs de pierre de la ville...

En 1766, la Gazette de Québec rapportait qu’un loup-garou rôdait dans la colonie.

Voici Canadiana.

Malheureusement, ce n’était pas le premier loup-garou à terroriser Québec. On avait repéré des loups-garous en Nouvelle-France depuis les années 1600. Et la présence des loups-garous remontait à bien plus loin que cela.

Depuis la fin du XVe siècle, la France était aux prises avec une épidémie de loups-garous. Des suspects étaient régulièrement accusés, reconnus coupables et brûlés sur le bûcher. Les bêtes avaient probablement traversé l’océan Atlantique avec les premiers colons français qui sont venus au Québec - en tout cas, les histoires de loup-garou ont assurément fait cette traversée. 

Lorsque les colons français ont quitté l’Europe pour le Canada, ils ont amené avec eux plus que des provisions - ils ont aussi amené leur folklore, incluant les légendes de monstres surnaturels.

Et ici, à la limite de l’empire français et en tant qu’étrangers sur une terre qui leur était peu familière, ils devaient sans doute succomber facilement à leurs anciennes frayeurs.

Les loups-garous de la région de Québec qui terrorisaient les colons canadiens-français différaient à plusieurs égards des monstres de Hollywood que l’on connaît bien aujourd’hui.

Ces loups-garous étaient condamnés à se transformer non seulement lors de la pleine lune, mais chaque nuit. Des fois, ils pouvaient se transformer jusqu’à 101 nuits d’affilée. La plupart se transformaient en loups, mais d’autres subissaient des transformations un peu moins... impressionnantes : ils se transformaient en chiens, en chats, en hiboux, en vaches, en bœufs... il y avait même des cochons-garous.

Le loup-garou de 1766 harcelait les colons depuis des années. Et ce n’était peut-être pas une coïncidence que les histoires sont réapparues pendant une décennie particulièrement difficile dans l’histoire de Québec.

Les Britanniques venaient tout juste de conquérir la colonie française. Pour les colons, la bataille des plaines d’Abraham était un douloureux souvenir d’un récent passé. Les gens tentaient, tant bien que mal, de s’habituer à la vie sous un nouveau régime.

Selon le premier reportage publié dans la Gazette, le loup-garou avait été aperçu juste à l’extérieur de la ville de Québec, se dirigeant vers Montréal. Il s’était déguisé en mendiant afin de mieux tromper et attirer ses victimes. Le journal avertissait ses lecteurs en leur disant de faire bien attention : « [...] on exhorte le public de s’en méfier comme d’un loup ravissant. »

L’auteur de l’article dans la Gazette s’inquiétait ouvertement que cette bête en question pouvait être aussi dangereuse que celle qui était apparue dans le Gévaudan.

Lors des trois années précédentes, la campagne française avait été terrorisée par un vrai loup - ou plutôt, par une meute de loups - qui déchirait la gorge des fermiers et des villageois. Apparemment, la bête de Gévaudan aurait tué plus de 100 personnes dans le sud de la France.

Éventuellement, les troupes du roi ont été envoyées dans la région pour traquer le loup et le tuer. Plus tard, certaines personnes ont déclaré que la bête avait finalement été abattue par un chasseur qui avait tiré sur l’animal avec une balle en argent.

Et le loup-garou de la ville de Québec n’aura pas été facile à tuer non plus. 

Le loup-garou a rôdé à travers la province pendant une autre année avant que les gens de la Nouvelle-France se sont finalement organisés pour l’affronter. Selon la gazette, les gens de la Nouvelle-France ont organisé une série d’attaques contre la bête. Et à l’automne 1767, une victoire importante a été remportée...

Ils ont laissé leurs chiens se déchaîner sans cesse contre le loup-garou, lui infligeant de sérieuses blessures. Le journal rapporte qu’« il reçut un si furieux coup... que l’on croyait être entièrement délivré de ce fatal animal, vu qu’il est resté quelques temps retiré dans sa tanière, au grand contentement du public. » 

Finalement, les gens n’avaient plus à vivre dans la terreur. Mais la victoire contre le loup-garou n’a pas duré longtemps. Quelques semaines plus tard, le monstre était de retour. Et cette fois, il était furieux.

Au début décembre, la Gazette rapporte que « cet animal n’est pas entièrement défait, qu’au contraire il commence à reparaître plus furieux que jamais et fait un carnage terrible partout où il frappe. »

L’article se terminait par un sinistre avertissement : « Méfiez-vous donc tous des ruses de cette malicieuse bête, et prenez garde de tomber entre ses pattes. » 

Mais par la suite… plus rien. Ce fut le dernier article publié par la Gazette au sujet du loup-garou de la ville de Québec, qui semble avoir disparu sans laisser de traces.

 Peut-être que cette histoire n’était que superstition et rumeurs. Une étrange légende racontée en période trouble.

Ou peut-être que le loup-garou n’avait été qu’un simple animal éventuellement tué sans fanfare.
Mais peut-être préférez-vous imaginer qu’il y a des loups-garous qui se promènent encore aujourd’hui, traquant les gens dans les campagnes et les villes du Québec.